mardi 28 juin 2016

MAMADOU SANOUSSY BA, COORDONNATEUR DE LA PHILOSOPHIE AU LYCEE SEYDINA ISSA LAHI EX-LPA: ‘’Il n’y a pas de sujets abordables, aujourd’hui’’


Mamadou Sanoussy Bâ


Le professeur Philosophie au Lycée Seydina Issa Lahi, Mamadou Sanoussy Ba, passe en revue, dans cet entretien,  les sujets des anticipées de Philosophie et donne des éléments de réponse. Surtout, il s’émeut du niveau extrêmement faible des élèves en langue. Une donne qui fait que les sujets, quels qu’ils soient, sont difficile pour les candidats.

 Le premier sujet des épreuves anticipées de Philosophie pour les séries L est : « L’objectivité n’est-elle qu’un idéal ? ». Qu’est-ce qu’on attend du candidat avec ce sujet ?
On pose à l’élève une question : l’objectivité n’est-elle qu’un idéal ? C’est-à-dire, on lui demande de réfléchir sur une dimension de la science de façon générale. Comme j’ai l’habitude de l’enseigner aux élèves, toutes les caractéristiques du mot science, moi je les résume dans le mot amour. A comme activité, M comme méthodologie, O comme objectivité, U comme universalité et R comme rationalité. Alors, si je leur demande de réfléchir sur l’objectivité, il y a deux choses auxquelles l’élève doit penser.
D’abord, dans une sorte de thèse. Il doit montrer que la science, ce n’est pas une religion. Elle n’est pas la Bible, ni le Coran. Cela veut dire que contrairement à une idée largement partagée, les vérités scientifiques ne sont pas forcément canoniques. Je veux dire qu’elles ne sont pas forcément uniques, universelles et définitives. Les vérités scientifiques, comme l’ont montré beaucoup de penseurs comme Karl Popper, Souleymane Bachir Diagne, Mame Moussé Diagne et d’autres, sont des vérités qui, avec le temps et l’espace, peuvent être remises en cause. Des vérités qui peuvent être rejetées ou à la limite rectifiées. Ça l’élève doit en parler dans une thèse.
Mais dans une sorte d’antithèse aussi, il doit montrer que contrairement à la Philosophie, l’objectivité scientifique n’est pas un idéal, mais c’est une réalité. Parce qu’il y a de grandes vérités qui sont établies aujourd’hui par la science de façon objective. Cela veut dire que le scientifique est capable, contrairement à la subjectivité philosophique, de prendre une distance par rapport à son objet qu’il étudie. Et justement de proposer un savoir qui est, comme le dit André Lalande, une conclusion concordante et partagée par tous les spécialistes, quels que soient leurs milieux. C’est ça qu’on attend de l’élève. Il doit interroger la notion d’objectivité. Montrer ses limites dans la science, parce qu’elle est une œuvre humaine. Montrer en même temps que l’objectivité est possible, parce que la science vérifie et réussit des vérités universelles.
Et le sujet 2 : « Peut-on dire de l’art qu’il dépasse la raison ? » 
L’art et l’esthétique, c’est la dernière partie du programme. Voilà le problème qui est posé. Parce que, de manière générale, on apprend aux élèves que l’art est une activité qui vise le beau. Alors en tant qu’activité humaine, il y a un débat au niveau de la Philosophie. Cela veut dire que l’élève doit d’abord comprendre que le problème qui se pose est le suivant : quelle est la nature de l’art ? Quel est l’orientation qu’il faut donner au beau ? Est-ce qu’il doit être un déploiement rationnel ? Est-ce que l’homme doit par sa raison produire des œuvres d’art qu’il peut partager avec l’ensemble de l’humanité ? Ou bien l’art est une sorte d’aventure comme en religion ou en métaphysique.
C’est le cœur qui comprend la réalité et la transmet dans une chanson, dans une peinture etc. L’élève doit comprendre que c’est un sujet dialectique.  Avec des arguments solides, il doit montrer, d’une part, qu’il y a une démarche rationnelle dans le travail de l’artiste qui qu’il soit. Je ne peux pas parler de sentiment, mais de sensibilité cordiale. Quand on fait de l’art, toute la dimension de notre humanité, toutes nos facultés, la raison, la foi sont interrogées. D’une part, l’art ne peut pas dépasser la raison, car il y a des artistes qui, au nom de la raison, ont produit des choses qui restent immortelles. Il y a aussi des artistes qui ont ouvert leur cœur pour exprimer une certaine réalité.
Est-ce que, dans l’ensemble, les sujets sont abordables ?
A mon avis, les sujets sont difficiles. Il faut que les gens sachent une chose : le problème de la philosophie n’est pas lié à l’enseignement de la matière elle-même. C’est lié au problème de l’instrument de la langue. Aucun sujet ne peut être abordable devant un élève qui a un niveau extrêmement faible. C’est comme si vous prenez un journaliste ou n’importe quel individu qui n’a pas fait une formation et qui a un niveau de langue très faible et vous lui demandez de produire un article. Il ne peut pas le faire. Moi, je l’ai dit, il y a quelques jours.
Quand la langue française est enrhumée, toutes les autres matières toussent. Il n’y a pas de sujets abordables, aujourd’hui. Car, justement les élèves sont devenus des marchands de fautes et des commerçants d’impression. Ils ignorent les règles les plus élémentaires. Ils ne savent pas accorder les adjectifs qualificatifs. Ils ne peuvent pas écrire les mots les plus simples. Comment voulez-vous qu’on réfléchisse en Philosophie dans une langue que vous massacrez. C’est ça le problème qu’il faut poser.
Le niveau des élèves en Philosophie, de manière générale, est très mauvais. Il va devenir exécrable. La raison est qu’on commence la Philo en Terminale. Deuxièmement, c’est le problème de la langue. Il y a des stagiaires qu’on nous envoie qui vont devenir professeurs de Philo dans deux ou trois ans. Quand ils viennent en classe, ils craquent. Ils ne sont pas respectés par les élèves, car ils ne parlent pas correctement le français.   
 A ce problème précis, quelle serait donc la solution ?
La solution tout le monde le sait. C’est un problème de système. Les spécialistes le savent. Il faut retourner à la pureté de la langue. Par exemple, les professeurs de français demandent qu’on réintègre l’étude de la Grammaire et la Conjugaison au lycée. Quand des élèves de Terminale ne savent plus conjuguer un verbe au présent de l’indicatif, il est normal qu’on retourne à l’école, avec la Conjugaison. Il faut repenser le système et arrêter de penser que l’enseignement c’est avoir cette psychologie de robot. C’est-à-dire qu’il faille former des ingénieurs, des aristocrates, etc. L’école, c’est une langue. Il faut faire de telle sorte qu’ils ne puissent pas passer en classe supérieure avec un mauvais niveau de langue. Il faut être exigeant avec la langue, à mon avis.
                                                                                                                         Abdourahim Barry 


mardi 14 juin 2016

En mode « Wax Waxet

« Défions-nous de qui promet s'il ne promet pas aussi de tenir sa promesse ». Cette citation de Robert Sabatier tirée de son livre, De la déraison souriante, 1991 pose la problématique du respect de la parole donnée. Elle nous apprend qu’il n’est pas une science exacte. Le revirement du Chef de l’Etat Maky Sall concernant la réduction de son mandat en cours a suscité une indignation chez bon nombre de sénégalais. Chacun y va de son interprétation personnelle. En écoutant les opposants de Macky, on a l’impression que le respect de la parole donnée est une valeur inviolable partagée par tous les citoyens. Ils accusent l’actuel chef de l’Etat comme son prédécesseur Abdoulaye Wade d’ailleurs d’avoir érigé le « Wax Waxat » (dire se dédire Ndlr)  en règle de gouvernance violant ainsi ce qui est «plus cher au peuple ». Mais dans son sermon du vendredi passé, l’Imam de la mosquée du Point E Ahmadou  Maktar Kanté a fait une remarque importante. En effet, l’islamologue tout en persistant sur l’importance de la parole donnée, a invité chacun à faire une autoévaluation pour vérifier s’il respects lui-même sa parole. Evidemment si  chaque sénégalais faisait son autoévaluation on se rendrait compte que beaucoup de gens s’érigent aujourd’hui en défenseurs de cette valeur, mais ils n‘honorent pas toujours leur promesse ou engagement. Combien de promesses non tenues tous les jours ? Certaines me diront que la parole du président est plus importante que celle d’un citoyen lambda, en n’oubliant que tous les engagements se valent. Chaque fois que quelqu’un trahit son engagement le perdant est frustré. Donc le respect de la parole donnée doit être effectif à tous les niveaux.
Aujourd’hui, il est regrettable de voir la politique qui est pourtant très noble réduite à des  débats de bas étage. L’impertinence des acteurs dans le discours et le comportement a fini de discrédité les politiciens de tout bord dans notre pays. Du côté du pouvoir comme de l’opposition si on observe le landerneau politique on se rend compte que ces hommes et femmes qui nous tympanisent sont tous guidés par leurs intérêts personnels. Par exemple le Président de la République a choisi depuis trois ans une commission chargée de réfléchir et de proposer des points de réformes. Celle-ci a sillonné le Sénégal durant trois années sous la direction du doyen Amadou Maktar Mbow. Au finish, elle a proposé presqu’une centaine d’articles fruit d’un « consensus national ». Mais tous ces efforts qui ont coûté des millions au contribuable sénégalais ont été mis de côté par Macky Sall pour se retrouver dans son bureau lui et ses conseiller et de nous proposer 15 points de réforme qui semblent défendre leurs intérêts du moment. Ses adversaires aussi obnubilés par le pouvoir voient la non réduction du mandat en cours comme la fin du monde ou la fin de toute possibilité d’accéder au pouvoir et d’en jouir. Voulant accéder aux privilèges coûte que coûte, les opposants ont choisi d’ignorer les autres quatorze points de la réforme constutionelle. « La promesse qu'il faut tenir sans cesse est celle d'être honnête homme », disait Jean-Jacques Rousseau  dans son ouvrage, Julie ou La nouvelle Héloïse paru en 1761. Honnêtement Macky a-t-il voulu respecter sa parole jusqu’au bout comme le soutiennent ses partisans ? Il est le seul à pouvoir répondre à cette interrogation. Ce qui est sûr, c’est qu’à travers cet acte, il vient de mettre une tache noire sur sa carrière politique.  

                                                                                   ABDOURAHIM BARRY
               

  

L’indiscipline en question


« La discipline est la mère de succès ». Cette citation d’Eschyle, tirée de son ouvrage intitulé,  Les Sept contre Thèbes, nous dit en long et en large sur l’importance de la discipline pour le progrès. L’Homo Senegalensis est malheureusement réputé pour son manque de discipline. Il s’y ajoute un manque de civisme notoire. Il suffit de sortir dans la rue pour le constater. «Fii mbed buur la » (la rue n’appartient à personne, Ndlr). Ce n’est pas pour rien que cette expression est devenue  très célébrée. Elle signifie dans la conscience collective que chacun peut faire ce qu’il veut dans la rue car, elle est la propriété de personne. Chacun est libre d’en faire ce que bon lui semble sans se soucier des autres. L’intérêt particulier et l’égoïsme priment sur le bien-être collectif et le vivre ensemble.  
Ainsi n’essayez surtout pas de conseiller un citoyen qui déverse par exemple des ordures ou des eaux usées dans la rue. Bien que l’acte étant  blâmable, il risque de vous répondre : « y a moom bed mi, walla sa baay » (la rue t’appartiens ou elle appartient à ton père) ? Le manqué de discipline et l’incivisme ont atteint leur paroxysme. La première qualité des pays émergents de l’Asie, est la discipline de ses citoyens, nous dit-on souvent. Mais chez nous, c’est le contraire. Ce qui certainement frappe un visiteur étranger à Dakar, c’est le comportement des populations dans les transports en commun. Les minibus au début bien organisés sont maintenant pires que les cars rapides. 
Malgré son interdiction, la surcharge est devenue la règle au vu et su de tout le monde y compris les forces de l’ordre chargées de sanctionner ces pratiques. Avec un simple billet de mille francs CFA, ils ferment les yeux. Conséquences, les accidents sont monnaie courante avec des centaines de  victimes. L’accident d’un bus surchargé causant la mort à huit personnes et des dizaines d’autres blessées la semaine dernière à l’entrée de Kaolack est une parfaite illustration.    
Du bateau le Joola avec ces près de 2 mille victimes au simple accident de voiture avec des blessures légères, le manque de discipline des chauffeurs est toujours pointé du doigt. On se rappelle encore ces deux sœurs venues de la France tuées dans un accident à cause d’un chauffard qui a voulu faire un demi-tour en pleine autoroute. Pour ne pas être taxé d’anti chauffeurs, intéressons-nous à d’autres secteurs sans mentionner le célèbre taximan qui a fait passer son véhicule sur la passerelle piéton.
Incontestablement, Dakar est l’une des capitales les plus salles. Tous les trottoirs sont transformés en marché par des marchands de tout genre. Ils salissent et font tout ce qu’ils veulent. « Dagnoun daan sounuu doole » (nous travaillons pour gagner honnêtement  notre vie, Ndlr). Soutenus, par une certaine classe politique démagogique cherchant à manipuler la question des marchands ambulants, la capitale sénégalaise a fini de devenir un bordel. Une poubelle à ciel ouvert.
« Dis mois quelle jeunesse tu as, je te dirais quel pays tu seras », aimait dire l’ancien président de la République, Abdoulaye Wade. La jeunesse est-elle ex ante de reproche ? La réponse est négative. L’université  qui représente le Sénégal en miniature peut être considérée comme le point  culminant de l’indiscipline et l’incivisme. On se rappelle encore le décès de l’étudiant Saer Boye tué en 2014 lors d’une bagarre devant le restaurant Argentin suite à une dispute pour le respect du rang. A l’université, on est obligé de faire la queue pratiquement devant  tous les services. Mais malgré ce fait dû au surpeuplement de l’Ucad, beaucoup d’étudiants ne respectent jamais cette règle non écrite. Ils font le « dialgatiti » sans gêne devant leur camardes prétextant qu’ils ont cours.  Qui n’a pas cours à l’université ? Ces arguments mensongers sont souvent fournis pour justifier leur comportement inacceptable.
Devant les biens communs, chacun dit ce n’est pas mon affaire, c’est l’Etat qui paye. Il est fréquent d’entendre les étudiants dire : « nous sommes les futurs dirigeants de ce pays ». Mais osons le dire. Si c’est de ces jeunes qu’on attend le progrès, c’est mal partie pour le Sénégal.
                                                                                                                      Abdourahima Barry