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La décision unilatérale prise par le président de la République de Gambie d’augmenter les tarifs pour la traversée de son pays de « 4 mille à 400 mille francs CFA» a mis le feu aux poudres. Bientôt quatre mois que les frontières entre le Sénégal et la Gambie sont fermées. Depuis lors, les deux gouvernements réagissent par l’indifférence et le mépris. Après la tentative de négociation avortée suite à un faux bond de l’Etat Gambien, c’est le silence total des deux côtés. Le peuple gambien souffre du manque de certaines denrées et produits provenant du Sénégal, selon les médias. La partie sud du Sénégal en souffre autant. Pourtant, il suffit d’ouvrir les yeux pour constater que les deux ennemis constituent le même peuple et le même pays. Donc cette « guerre » peut être qualifiée de fratricide. Malheureusement ce sont les pauvres citoyens des deux nations qui payent le prix.
Au-delà de cette confrontation entre la Gambie que certains assimilent à « une banane dans la gueule du Sénégal » et son voisin, c’est l’intégration africaine qui pose problème. Nous sommes tentés d’emprunter cette formule à la mode au pays de Macky Sall, «Afrique dou dém » (l’Afrique n’ira nulle part, Ndlr) pour dire que cette situation est regrettable. Depuis 1963 avec la création de la défunte Organisation de l’unité africaine (OUA) à Addis Abeba en Ethiopie, il n’y a jamais eu une véritable intégration régionale ou sous régionale dans le continent noir. Les micros Etats ont toujours mis en avant leur soi-disant souveraineté. Sinon comment peut-on comprendre l’attitude de ce Yaya Jammeh. Il n’hésite pas à tenir des propos injurieux au peuple Sénégalais à travers ses dirigeants. Mais ce qui est révoltant dans tout ça, c’est le silence coupable des autorités sénégalaises.
Le journaliste et analyste politique, Yero Dia disait dans une interview, que le Sénégal se couvre constamment de déshonneur dans ses relations avec la Gambie. Selon lui, notre pays doit utiliser la force pour faire comprendre à son voisin « dictateur » que tout n’est pas permis. Cette position nous semble pertinente. En effet, le Sénégal a toujours ménagé le pays de Jammeh. Mais en retour ce dernier nargue nos dirigeants. Il manifeste son manque de considération et le mépris qu’il a envers eux. Sans aller à une confrontation armée ouverte, le Sénégal peut bel et bien utiliser la force pour faire revenir Jammeh à la raison.
Aujourd’hui la riposte des chauffeurs sénégalais suite à l’augmentation des frais de transite par l’homme fort de Banjul est plus que salutaire. Après trois mois de fermeture de la frontière, les effets sont terribles côté gambien. Intransigeant au début, le « dictateur » de Canilai a été obligé de revenir sur sa décision en annulant l’augmentation. C’est bien lui aussi qui court actuellement derrière le gouvernement sénégalais pour négocier la réouverture des frontière entre les deux pays. Après trois mois de fermeture, la mesure commence à apporter ses fruits. Entre la pénurie de certains produits en Gambie comme le ciment, le béton, le carburant et l’augmentation des prix, le pays est au bord de « l’asphyxie économique ». Bravo les chauffeurs sénégalais ! Ils viennent de montrer à l’Etat qu’il est possible de faire plier le « tout puissant » dirigeant gambien. Le président de République et son gouvernement doivent donc soutenir les chauffeurs, principaux victimes des agissements de Yaya. Il faut maintenir le blocus pour le pousser jusqu’à son dernier retranchement pour qu’il respecte les sénégalais une fois pour toute.
Cette probable victoire du Sénégal sur Yaya Jammeh ne doit pas par contre faire oublier que la solution définitive du désenclavement de la Casamance ne se trouve pas sur la réouverture des frontières, ni sur la construction du fameux pont de Farafenny. Face à un Jammeh qui fait marche les relations entre le Sénégal et son pays, selon ses humeurs, on ne peut jamais compter sur la Gambie. Il faut impérativement construire une voie de contournement digne de ce nom. Vu l’importance de cette région du sud dans l’économie nationale, elle mérite au moins une autoroute pour la relier avec la capitale. Comme disait Frantz Fanon, « chaque génération a une mission. Soit elle la remplie ou la trahie ». Donc nos dirigeants sont en face de leur responsabilité historique.
Abdourahim BARRY