jeudi 18 juin 2015

L’Ucad envahie par les déchets plastiques


L’université Cheikh Anta Diop de Dakar montre un visage de plus en plus dégradé. Son environnement ne correspond plus à une université moderne.
L’insalubrité a atteint un niveau inquiétant. Entre l’incivisme de ses occupants et le sureffectif, toutes les conditions sont réunies pour polluer l’espace universitaire.
    L’image de la première université francophone d’Afrique  ne sied pas à son statut.  Derrière les grandes artères bien ornées par quelques fleurs, se cache une autre réalité. L’environnement est très mal en point. La pollution a atteint son paroxysme. Les sachets plastiques, les tasses de café Touba et les papiers de toute sorte envahissent les facultés et les espaces publics. Malgré la verdure, le campus pédagogique donne une mauvaise image au visiteur.
    L’Université Cheikh Anta Diop ne remplit pas les critères standards d’une université sur le plan environnemental. Ce constat est partagé par les autorités universitaires. « Le campus est dans un état insalubre, ce qui est inacceptable », dénonce le Professeur Falilou Ndiaye, coordonnateur du programme d’amélioration du cadre de vie mis en place  par le recteur. C’est ce qui a motivé la journée de « set setal » et de sensibilisation organisée le samedi dernier par le rectorat.
    Situé derrière la faculté de médecine, le bois sacré est très connu des étudiants en quête d’endroit calme pour réviser leurs leçons. Ici, on a l’impression d’être au milieu d’une forêt équatoriale. Le bruit des oiseaux perturbe un peu le calme qui y règne.  Difficile d’avoir une place pour s’asseoir.  Des étudiants s’installent sous les arbres. Les yeux rivés sur leurs cours, ils s’asseyent sur des briques, des pierres superposées, des nattes ou tapis de prière etc. Ils passent toute la journée dans ce lieu qui garantit l’oxygène à ses hôtes. En face de ce paysage admirable se trouve un dépotoir d’ordure. Tous les déchets collectés à la faculté de médecine sont déposés ici pour être ensuite incinérés. Assise à quelques mètres, Yacine Bâ étudiante à la faculté des sciences juridiques et politiques déplore cette situation. « Notre environnement doit être entretenu, mais vous constatez vous-même que les ordures sont partout et une mauvaise odeur se dégage du dépotoir ».
    L’Ucad ne dispose pas de système de collecte et de gestion des ordures ménagères. « Entre les étudiants, les enseignants et le personnel de service, cent mille personnes vivent dans cet espace de quelques hectares», renseigne le Professeur, Falilou Ndiaye. Ce nombre composé en majorité d’étudiants qui foulent souvent aux pieds les règles civiques justifie bien l’état d’insalubrité dans lequel se trouve le temple du savoir. Le quotidien de ces « inconscients environnementaux » est rythmé par la consommation du café Touba et de l’eau en sachet. Les déchets plastiques sont les plus nocifs pour l’environnement. «Ils ne sont pas biodégradables, ils peuvent rester pendant cent ans sans se dégrader», explique Mamadou Kébé, étudiant en licence 2 au département de science naturelle de la faculté des sciences et techniques.
    Autre endroit, mêmes réalités. La faculté des sciences juridiques et politiques, la seule à être entièrement clôturée. On ne peut pas entrer ou sortir par la petite porte qui mène à la faculté des sciences sans être attiré par le dépôt d’ordures. Comme à la faculté de médecine, c’est ici qu’on dépose et incinère tous les déchets produits par les juristes de l’Ucad. A l’intérieur, l’imposant bâtiment de couleur marron abritant les deux grands amphis, domine l’espace. Monsieur Dia, gérant de buvette, est entouré d’étudiants. Les tasses de café Touba et les sachets d’eau sont inconsciemment jetés par terre.
    Le bruit qui règne dans le hall est comparable à celui d’un marché très fréquenté. Des tasses de café Touba par ci, des sachets d’eau vides par-là, les emballages de biscuit, c’est le triste décor de ces lieux pourtant nettoyés chaque jour. De taille courte et de grosse corpulence, tenant un balai, Ndeye Diouf fait partie de l’équipe chargée de nettoyer la faculté. Elle regrette le comportement des étudiants « Nous balayons chaque jour tous les coins et recoins. Mais avant de terminer, ils commencent à salir. Il y a des poubelles, mais jamais ils ne jettent les ordures dedans ».
Le nouveau recteur et son équipe ont décidé de mettre fin à ce problème qui déshonore l’Ucad. Selon M. Falilou Ndiaye, « le recteur a prévu un budget de 250 millions de francs CFA et 1 milliard à long terme. Nous avons un programme de réhabilitation de toutes les routes et le  pavage du campus ». Le rectorat va signer bientôt une convention avec les mairies de Fann et de Point E pour qu’elles prennent en charge le ramassage des ordures dans le campus.
En attendant l’effectivité de ces projets, l’université Cheikh Anta Diop continue de donner deux images contradictoires. Celle d’un environnement bien entretenu avec un espace très boisé et celle peu enviable d’une nature agressée et envahie par les déchets plastiques.   
                                                                                                  Abdourahim Barry

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