Se
loger à Dakar est un parcours du combattant. L’université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) ne déroge pas à cette règle. Les
conditions de
vie dans le campus social ne cessent de se dégrader. L’insuffisance des locaux a
créé une promiscuité insoutenable.
Le Pavillon A du campus socilal |
Reportage
En passant par l’Avenue Cheikh Anta Diop,
l’endroit attire forcement votre attention. Le vieux bâtiment aux couleurs bleue et blanche est un symbole
de l’hébergement à l’UCAD depuis sa création. Le pavillon A, le premier à être
construit sur le site résume toutes les difficultés de logement pour les étudiants.
Entre l’insalubrité des toilettes et le surcharge des chambres, le décor illustre
bien les conditions de vie au campus.
L’UCAD
est une ville à part entière pour beaucoup de citoyens. De très loin, elle
ressemble à une caserne militaire ou un camp de réfugiés. Des habits de toute
sorte sont accrochés sur les fenêtres des
pavillons. Une fois dans le campus social, ce qui frappe le visiteur, c’est le
nombre pléthorique d’étudiants dans les rues et dans les couloirs des
pavillons.
Le nombre d’étudiants à loger dépasse très
largement le nombre de places disponibles. Officiellement, les chambres sont
attribuées par ordre de mérite basé sur les résultats des examens. Elles doivent
être occupées au maximum par deux locataires.
Mais aujourd’hui, la réalité est
toute autre car on peut trouver douze personnes ou plus dans une chambre.
Les étudiants adoptent un système
d’hébergement c'est-à-dire si deux obtiennent une chambre, ils discutent et
chacun emmène des amis qui n’ont pas de logement. Malgré ça, on n’arrive pas à
loger tout le monde. D’autres se couchent dans les couloirs des pavillons.
Il est 13 heures au pavillon A. C’est la pause pour la plupart des étudiants.
Les couloirs sont remplis du monde. L’ambiance est comparable à celle d’un
marché très fréquenté. La pollution sonore est assurée par les conversations,
associées à la musique jouée à fond dans presque toutes les chambres. Les va-et-vient très denses créent des
embouteillages humains par endroit.
Les chambres sont aussi des lieux où se
déroulent des activités économiques. Dans la chambre 120 A, on a du mal à
trouver une place pour s’assoir. Une photocopieuse et une imprimante sont
posées sur la table. Entre ceux qui
viennent rendre visite aux locataires et ceux qui sont venus imprimer ou
photocopier des documents, la chambre est pleine à craquer.
Malgré la chaleur accablante et le manque
d’espace dans cette chambre de quelques mètres carré, Modou Mbaye s’active
autour de sa théière posée sur un réchaud chinois qui contribue au chauffage de la chambre. Il
explique que lui-même a été hébergé par son ami et ancien camarade de classe au
lycée. N’ayant pu remplir les conditions nécessaires pour codifier (bénéficier
des logements du Coud). « Je suis
de Thiès et je n’ai pas de parents à Dakar. Donc, je suis obligé de venir ici, même s’il faut
reconnaitre que 12 personnes dans une chambre pose problème », soutient
M. Mbaye.
Dans tous les pavillons, la situation est
la même. 23 heures au pavillon E. C’est l’heure du coucher. Le couloir est
rempli de matelas et de moustiquaires. Parfois pour passer, on est obligé
d’escalader les gens. Devant la chambre 48, Mamadiang Baldé est debout sur une
chaise. Il est en train d’éteindre les lampes néons fixées sur le plafond avant
de se coucher, pour ne pas trop s’exposer aux passants.
De taille moyenne et de teint noir, Baldé
est étudiant en licence 3 à l’université du Sahel. Le natif de Kolda est dans
le privé, mais il vient passer la nuit à l’UCAD. « Mon tuteur est à Tiwaoune Peulh. A peu près, à une vingtaine de
kilomètres d’ici. Imaginez si je devais quitter là-bas pour venir étudier
chaque jour, c’est impossible », affrime le juriste en formation. Avec
ses amis de la chambre 48, il a trouvé qu’il n’y avait plus de place, mais il
garde ses bagages dans la chambre et il passe la nuit dans le couloir comme le
font des centaines d’étudiants dans le campus social.
Du côté des autorités du centre des œuvres
universitaires de Dakar (Coud), on explique que des solutions sont en cours.
Mais ils reconnaissent qu’on ne peut pas loger tous les étudiants estimés à 80
mille. Trois pavillons sont en
construction pour remplacer les quatre détruits l’année dernière. Un agent du
Coud estime qu’un problème d’espace commence à se poser car « pour les pavillons en construction,
on était obligé de diminuer le terrain de football pour avoir de
l’espace ». Il confie qu’ils comptent reconstruire les pavillons
détruits.
Certains étudiants aussi accusent les
agents du Coud de distribuer peu de chambres aux ayants droit et de vendre le
reste. Selon Ababacar Sadikh Top, étudiant en licence 2 au Cesti et délégué de
l’amicale de son établissement, un de ses amis a une chambre individuelle que
son père lui a payée à 200 mille francs CFA l’année. Cela constitue pour lui
une preuve irréfutable que la gestion des logements n’est pas transparente.
Cependant, ces accusations sont difficiles
à vérifier même si beaucoup d’étudiants disent la même chose. Quoi qu’il en
soit, on peut dire que le campus social de l’UCAD est en train de devenir un
bidonville.
Abdourahim Barry
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