jeudi 25 juin 2015

Transition de l’analogique au numérique : Les étudiants méconnaissent la télévision numérique terrestre

La date butoir du passage de l’analogique au numérique a expiré aujourd’hui.
Dans les ménages rien n’a changé. La télé est toujours analogique. Les étudiants fustigent le manque d’information qui entoure le projet.
     Le moment tant attendu est venu, au moins théoriquement.  Les téléspectateurs sont officiellement entrés dans le monde numérique. Ce changement plus que révolutionnaire est pourtant ignoré par la majorité de la population. A l’université Cheikh Anta Diop de Dakar on déplore un défaut de communication. Les étudiants ne sont pas bien informés sur le sujet. Certains le confondent au tournoi de lutte dénommé « TNT ». Le manque d’information est pointé du doigt par toutes les personnes interpellées.
    Le campus social est un endroit différent des autres. Certaines considèrent que c’est une ville à part entière. Plus de quatre-vingt mille âmes y vivent ou au moins fréquentent les lieux. Au pavillon A, le plus grand et le plus vieux du campus est un exemple patent de son surpeuplement. Les chambres construites initialement pour deux personnes, abritent parfois plus de dix.
    Après les heures de cours les étudiants s’adonnent à des activités de divertissement. Midi c’est l’heure de la pause pour la plupart d’entre eux. Chambre  163 couloir H  du pavillon A, il est difficile de trouver une place pour s’asseoir. Entre les locataires des lieux et les visiteurs, elle est pleine à craquer.  Un téléviseur éteint est posé sur la table. Un ordinateur portable sur lequel une partie du groupe regarde un film a pris le relais de la télé. La musique elle vient en appui pour rendre l’ambiance plus agréable. Ici dès qu’on prononce  le mot «  TNT », on vous renvoie au tournoi de lutte qui porte le même nom. Aïssatou Faye venu rendre visite à ses camarades d’amphi, affirme ne pas savoir beaucoup de chose sur cette affaire. Tout ce qu’elle sait « c’est que c’est une télévision plus sophistiquée et on dit qu’on doit changer nos postes téléviseurs ». C’est tout ce que peut dire sur le sujet l’étudiante en licence 3, au département d’anglais. Sur cette ligne, elle n’est pas seule. Son camarade d’amphi Nazir Niang est au même niveau d’information. « C’est une télévision qui te permet de te connecter à Internet avec ton poste téléviseur», affirme-t-il.   
    Beaucoup ne savent même pas de quoi il s’agit. Toutes les personnes interrogées sont unanimes pour dire que l’information n’est pas bien passée. Dans ce même pavillon, chambre 314. Un calme presque total y règne. Contrairement à la chambre précédente, Daouda Saïdou Ly et ses camarades n’ont pas de téléviseur. Daouda est convaincu que le basculement effectif de l’analogique vers le numérique ne sera pas pour demain. « Les populations ne sont pas bien informées alors qu’elles sont les premières concernées». L’économiste en formation à la faculté des sciences et de gestion (Faseg) et par ailleurs natif du Fouta, ajouté « moi je suis villageois et on dit que la TNT va permettre surtout aux populations rurales d’accéder à toutes les chaînes de télévision, mais ils ne sont même pas au courant de l’existence de ce projet».
    Restons au vieux pavillon. La chambre 320, l’ambiance est assez particulière. Malgré l’étroitesse de la pièce, une grosse télévision accompagnée d’un ordinateur fixe est posée sur la table. Une imprimante déposée par terre et beaucoup de papiers mal rangés sur les étagères. Ici, il faut aussi tenir compte des nombreux cafards visibles partout. Ils se faufilent entre les personnes. Mieux informé, Yagouba Sagna lui maitrise l’essentiel des informations véhiculées par les médias. L’étudiant   en licence 3 en science politique est au diapason de l’actualité. Il est même prêt pour l’achat du décodeur condition sine qua non pour capter le signal numérique.   Mais il partage l’idée de  ceux qui disent qu’il n’y a pas une bonne communication autour de ce changement.  Sa préoccupation majeure « les chefs d’entreprise doivent changer de contenu Il n’y a que du divertissement », conclut Sagna.
    Les pensionnaires du pavillon B, plus calmes que ceux de A, confirment la tendance qui s’est dégagée au sein de la population en général et au sein des étudiants en particulier. Dans cette chambre individuelle occupée par 6 personnes tous les regards sont fixés sur le petit écran. A cette heure de pose, ils regardent le journal sur Walf TV. Autour de la théière s’active, Djibril Sène étudiant en master 2 de géographie. Il  nous montre avec humour le fil de fer qui sert d’antenne pour capter le signal. La TNT, il  n’en sait pas grand-chose. Il a entendu seulement qu’on doit acheter des décodeurs pour avoir les images de la télévision. « Ce sera des dépenses supplémentaires et on n’a pas d’argent », conclut-il.
    La télévision numérique terrestre n’est pas encore une réalité au Sénégal malgré la date butoir qui était fixée pour aujourd’hui. En attendant l’effectivité du projet, les sénégalais concernés au premier chef, continuent de recevoir les images analogiques. Pour une bonne transition de l’analogique au numérique, les autorités en charge de la question doivent tenir compte de ces remarques et relever le défi de la communication.
                                                                                                      Abdourahim Barry


jeudi 18 juin 2015

L’Ucad envahie par les déchets plastiques


L’université Cheikh Anta Diop de Dakar montre un visage de plus en plus dégradé. Son environnement ne correspond plus à une université moderne.
L’insalubrité a atteint un niveau inquiétant. Entre l’incivisme de ses occupants et le sureffectif, toutes les conditions sont réunies pour polluer l’espace universitaire.
    L’image de la première université francophone d’Afrique  ne sied pas à son statut.  Derrière les grandes artères bien ornées par quelques fleurs, se cache une autre réalité. L’environnement est très mal en point. La pollution a atteint son paroxysme. Les sachets plastiques, les tasses de café Touba et les papiers de toute sorte envahissent les facultés et les espaces publics. Malgré la verdure, le campus pédagogique donne une mauvaise image au visiteur.
    L’Université Cheikh Anta Diop ne remplit pas les critères standards d’une université sur le plan environnemental. Ce constat est partagé par les autorités universitaires. « Le campus est dans un état insalubre, ce qui est inacceptable », dénonce le Professeur Falilou Ndiaye, coordonnateur du programme d’amélioration du cadre de vie mis en place  par le recteur. C’est ce qui a motivé la journée de « set setal » et de sensibilisation organisée le samedi dernier par le rectorat.
    Situé derrière la faculté de médecine, le bois sacré est très connu des étudiants en quête d’endroit calme pour réviser leurs leçons. Ici, on a l’impression d’être au milieu d’une forêt équatoriale. Le bruit des oiseaux perturbe un peu le calme qui y règne.  Difficile d’avoir une place pour s’asseoir.  Des étudiants s’installent sous les arbres. Les yeux rivés sur leurs cours, ils s’asseyent sur des briques, des pierres superposées, des nattes ou tapis de prière etc. Ils passent toute la journée dans ce lieu qui garantit l’oxygène à ses hôtes. En face de ce paysage admirable se trouve un dépotoir d’ordure. Tous les déchets collectés à la faculté de médecine sont déposés ici pour être ensuite incinérés. Assise à quelques mètres, Yacine Bâ étudiante à la faculté des sciences juridiques et politiques déplore cette situation. « Notre environnement doit être entretenu, mais vous constatez vous-même que les ordures sont partout et une mauvaise odeur se dégage du dépotoir ».
    L’Ucad ne dispose pas de système de collecte et de gestion des ordures ménagères. « Entre les étudiants, les enseignants et le personnel de service, cent mille personnes vivent dans cet espace de quelques hectares», renseigne le Professeur, Falilou Ndiaye. Ce nombre composé en majorité d’étudiants qui foulent souvent aux pieds les règles civiques justifie bien l’état d’insalubrité dans lequel se trouve le temple du savoir. Le quotidien de ces « inconscients environnementaux » est rythmé par la consommation du café Touba et de l’eau en sachet. Les déchets plastiques sont les plus nocifs pour l’environnement. «Ils ne sont pas biodégradables, ils peuvent rester pendant cent ans sans se dégrader», explique Mamadou Kébé, étudiant en licence 2 au département de science naturelle de la faculté des sciences et techniques.
    Autre endroit, mêmes réalités. La faculté des sciences juridiques et politiques, la seule à être entièrement clôturée. On ne peut pas entrer ou sortir par la petite porte qui mène à la faculté des sciences sans être attiré par le dépôt d’ordures. Comme à la faculté de médecine, c’est ici qu’on dépose et incinère tous les déchets produits par les juristes de l’Ucad. A l’intérieur, l’imposant bâtiment de couleur marron abritant les deux grands amphis, domine l’espace. Monsieur Dia, gérant de buvette, est entouré d’étudiants. Les tasses de café Touba et les sachets d’eau sont inconsciemment jetés par terre.
    Le bruit qui règne dans le hall est comparable à celui d’un marché très fréquenté. Des tasses de café Touba par ci, des sachets d’eau vides par-là, les emballages de biscuit, c’est le triste décor de ces lieux pourtant nettoyés chaque jour. De taille courte et de grosse corpulence, tenant un balai, Ndeye Diouf fait partie de l’équipe chargée de nettoyer la faculté. Elle regrette le comportement des étudiants « Nous balayons chaque jour tous les coins et recoins. Mais avant de terminer, ils commencent à salir. Il y a des poubelles, mais jamais ils ne jettent les ordures dedans ».
Le nouveau recteur et son équipe ont décidé de mettre fin à ce problème qui déshonore l’Ucad. Selon M. Falilou Ndiaye, « le recteur a prévu un budget de 250 millions de francs CFA et 1 milliard à long terme. Nous avons un programme de réhabilitation de toutes les routes et le  pavage du campus ». Le rectorat va signer bientôt une convention avec les mairies de Fann et de Point E pour qu’elles prennent en charge le ramassage des ordures dans le campus.
En attendant l’effectivité de ces projets, l’université Cheikh Anta Diop continue de donner deux images contradictoires. Celle d’un environnement bien entretenu avec un espace très boisé et celle peu enviable d’une nature agressée et envahie par les déchets plastiques.   
                                                                                                  Abdourahim Barry

mercredi 10 juin 2015

Logement à l’UCAD: Quand la promiscuité devient la règle


     Se loger à Dakar est un parcours du combattant. L’université  Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) ne  déroge pas à cette règle. Les
Le Pavillon A du campus socilal
conditions de vie dans le campus social ne cessent de se dégrader. L’insuffisance des locaux a créé une promiscuité insoutenable.
              Reportage   
    En passant par l’Avenue Cheikh Anta  Diop,  l’endroit attire forcement votre attention. Le vieux bâtiment  aux couleurs bleue et blanche est un symbole de l’hébergement à l’UCAD depuis sa création. Le pavillon A, le premier à être construit sur le site résume toutes les difficultés de logement pour les étudiants. Entre l’insalubrité des toilettes et le surcharge des chambres, le décor illustre bien les conditions de vie au campus.
     L’UCAD est une ville à part entière pour beaucoup de citoyens. De très loin, elle ressemble à une caserne militaire ou un camp de réfugiés. Des habits de toute sorte sont accrochés sur les fenêtres  des pavillons. Une fois dans le campus social, ce qui frappe le visiteur, c’est le nombre pléthorique d’étudiants dans les rues et dans les couloirs des pavillons.
    Le nombre d’étudiants à loger dépasse très largement le nombre de places disponibles. Officiellement, les chambres sont attribuées par ordre de mérite basé sur les résultats des examens. Elles doivent être occupées au maximum par deux locataires.  Mais  aujourd’hui, la réalité est toute autre car on peut trouver douze personnes ou plus dans une chambre.
    Les étudiants adoptent un système d’hébergement c'est-à-dire si deux obtiennent une chambre, ils discutent et chacun emmène des amis qui n’ont pas de logement. Malgré ça, on n’arrive pas à loger tout le monde. D’autres se couchent dans les couloirs des pavillons.
    Il est 13 heures au pavillon A.  C’est la pause pour la plupart des étudiants. Les couloirs sont remplis du monde. L’ambiance est comparable à celle d’un marché très fréquenté. La pollution sonore est assurée par les conversations, associées à la musique jouée à fond dans presque toutes les chambres.  Les va-et-vient très denses créent des embouteillages humains par endroit.
    Les chambres sont aussi des lieux où se déroulent des activités économiques. Dans la chambre 120 A, on a du mal à trouver une place pour s’assoir. Une photocopieuse et une imprimante sont posées sur la table.  Entre ceux qui viennent rendre visite aux locataires et ceux qui sont venus imprimer ou photocopier des documents, la chambre est pleine à craquer.
    Malgré la chaleur accablante et le manque d’espace dans cette chambre de quelques mètres carré, Modou Mbaye s’active autour de sa théière posée sur un réchaud chinois  qui contribue au chauffage de la chambre. Il explique que lui-même a été hébergé par son ami et ancien camarade de classe au lycée. N’ayant pu remplir les conditions nécessaires pour codifier (bénéficier des logements du Coud). «  Je suis de Thiès et je n’ai pas de parents à Dakar. Donc,  je suis obligé de venir ici, même s’il faut reconnaitre que 12 personnes dans une chambre pose problème », soutient M. Mbaye.
    Dans tous les pavillons, la situation est la même. 23 heures au pavillon E. C’est l’heure du coucher. Le couloir est rempli de matelas et de moustiquaires. Parfois pour passer, on est obligé d’escalader les gens. Devant la chambre 48, Mamadiang Baldé est debout sur une chaise. Il est en train d’éteindre les lampes néons fixées sur le plafond avant de se coucher, pour ne pas trop s’exposer aux passants.
    De taille moyenne et de teint noir, Baldé est étudiant en licence 3 à l’université du Sahel. Le natif de Kolda est dans le privé, mais il vient passer la nuit à l’UCAD. « Mon tuteur est à Tiwaoune Peulh. A peu près, à une vingtaine de kilomètres d’ici. Imaginez si je devais quitter là-bas pour venir étudier chaque jour, c’est impossible », affrime le juriste en formation. Avec ses amis de la chambre 48, il a trouvé qu’il n’y avait plus de place, mais il garde ses bagages dans la chambre et il passe la nuit dans le couloir comme le font des centaines d’étudiants dans le campus social.
    Du côté des autorités du centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud), on explique que des solutions sont en cours. Mais ils reconnaissent qu’on ne peut pas loger tous les étudiants estimés à 80 mille. Trois  pavillons sont en construction pour remplacer les quatre détruits l’année dernière. Un agent du Coud estime qu’un problème d’espace commence à se poser car « pour les pavillons en construction, on était obligé de diminuer le terrain de football pour avoir de l’espace ». Il confie qu’ils comptent reconstruire les pavillons détruits.
    Certains étudiants aussi accusent les agents du Coud de distribuer peu de chambres aux ayants droit et de vendre le reste. Selon Ababacar Sadikh Top, étudiant en licence 2 au Cesti et délégué de l’amicale de son établissement, un de ses amis a une chambre individuelle que son père lui a payée à 200 mille francs CFA l’année. Cela constitue pour lui une preuve irréfutable que la gestion des logements n’est pas transparente.
    Cependant, ces accusations sont difficiles à vérifier même si beaucoup d’étudiants disent la même chose. Quoi qu’il en soit, on peut dire que le campus social de l’UCAD est en train de devenir un bidonville.
                                                                         Abdourahim Barry