La date butoir du passage de
l’analogique au numérique a expiré aujourd’hui.
Dans les ménages rien n’a
changé. La télé est toujours analogique. Les étudiants fustigent le manque
d’information qui entoure le projet.
Le
moment tant attendu est venu, au moins théoriquement. Les téléspectateurs sont officiellement entrés
dans le monde numérique. Ce changement plus que révolutionnaire est pourtant
ignoré par la majorité de la population. A l’université Cheikh Anta Diop de Dakar
on déplore un défaut de communication. Les étudiants ne sont pas bien informés
sur le sujet. Certains le confondent au tournoi de lutte dénommé
« TNT ». Le manque d’information est pointé du doigt par toutes les
personnes interpellées.
Le campus social est un endroit différent des
autres. Certaines considèrent que c’est une ville à part entière. Plus de
quatre-vingt mille âmes y vivent ou au moins fréquentent les lieux. Au pavillon
A, le plus grand et le plus vieux du campus est un exemple patent de son
surpeuplement. Les chambres construites initialement pour deux personnes,
abritent parfois plus de dix.
Après les heures de cours les étudiants
s’adonnent à des activités de divertissement. Midi c’est l’heure de la pause
pour la plupart d’entre eux. Chambre 163
couloir H du pavillon A, il est
difficile de trouver une place pour s’asseoir. Entre les locataires des lieux
et les visiteurs, elle est pleine à craquer.
Un téléviseur éteint est posé sur la table. Un ordinateur portable sur
lequel une partie du groupe regarde un film a pris le relais de la télé. La
musique elle vient en appui pour rendre l’ambiance plus agréable. Ici dès qu’on
prononce le mot « TNT », on
vous renvoie au tournoi de lutte qui porte le même nom. Aïssatou Faye venu
rendre visite à ses camarades d’amphi, affirme ne pas savoir beaucoup de chose
sur cette affaire. Tout ce qu’elle sait « c’est
que c’est une télévision plus sophistiquée et on dit qu’on doit changer nos
postes téléviseurs ». C’est tout ce que peut dire sur le sujet l’étudiante
en licence 3, au département d’anglais. Sur cette ligne, elle n’est pas seule.
Son camarade d’amphi Nazir Niang est au même niveau d’information. « C’est une télévision qui te permet
de te connecter à Internet avec ton poste téléviseur», affirme-t-il.
Beaucoup ne savent même pas de quoi il
s’agit. Toutes les personnes interrogées sont unanimes pour dire que
l’information n’est pas bien passée. Dans ce même pavillon, chambre 314. Un
calme presque total y règne. Contrairement à la chambre précédente, Daouda
Saïdou Ly et ses camarades n’ont pas de téléviseur. Daouda est convaincu que le
basculement effectif de l’analogique vers le numérique ne sera pas pour demain.
« Les populations ne sont pas bien
informées alors qu’elles sont les premières concernées». L’économiste en
formation à la faculté des sciences et de gestion (Faseg) et par ailleurs natif
du Fouta, ajouté « moi je suis
villageois et on dit que la TNT va permettre surtout aux populations rurales
d’accéder à toutes les chaînes de télévision, mais ils ne sont même pas au
courant de l’existence de ce projet».
Restons au vieux pavillon. La chambre 320,
l’ambiance est assez particulière. Malgré l’étroitesse de la pièce, une grosse
télévision accompagnée d’un ordinateur fixe est posée sur la table. Une imprimante
déposée par terre et beaucoup de papiers mal rangés sur les étagères. Ici, il
faut aussi tenir compte des nombreux cafards visibles partout. Ils se faufilent
entre les personnes. Mieux informé, Yagouba Sagna lui maitrise l’essentiel des
informations véhiculées par les médias. L’étudiant en licence 3 en science politique est au diapason
de l’actualité. Il est même prêt pour l’achat du décodeur condition sine qua
non pour capter le signal numérique. Mais il partage l’idée de ceux qui disent qu’il n’y a pas une bonne
communication autour de ce changement.
Sa préoccupation majeure « les chefs d’entreprise doivent changer
de contenu Il n’y a que du divertissement », conclut Sagna.
Les pensionnaires du pavillon B, plus calmes
que ceux de A, confirment la tendance qui s’est dégagée au sein de la
population en général et au sein des étudiants en particulier. Dans cette
chambre individuelle occupée par 6 personnes tous les regards sont fixés sur le
petit écran. A cette heure de pose, ils regardent le journal sur Walf TV.
Autour de la théière s’active, Djibril Sène étudiant en master 2 de géographie.
Il nous montre avec humour le fil de fer
qui sert d’antenne pour capter le signal. La TNT, il n’en sait pas grand-chose. Il a entendu
seulement qu’on doit acheter des décodeurs pour avoir les images de la
télévision. « Ce sera des dépenses supplémentaires et on n’a pas
d’argent », conclut-il.
La télévision numérique terrestre n’est pas
encore une réalité au Sénégal malgré la date butoir qui était fixée pour aujourd’hui.
En attendant l’effectivité du projet, les sénégalais concernés au premier chef,
continuent de recevoir les images analogiques. Pour une bonne transition de
l’analogique au numérique, les autorités en charge de la question doivent tenir
compte de ces remarques et relever le défi de la communication.
Abdourahim Barry