Les entreprises de presse au Sénégal ne sont pas toutes viables économiquement, selon Mamadou Ibra Kane. L’administrateur du groupe Africome estime que la majorité d’entre elles sont confrontées à un problème de management et le traitement des journalistes reste à désirer.
Les patrons de presse ne sont pas des exemples, en matière de traitement des employés. C’est le constat de Mamadou Ibra Kane, nouveau président du conseil des éditeurs et diffuseurs de presse du Sénégal (Cedps), par ailleurs administrateur du Groupe Africome. Invité du carrefour d’actualité organisé par le Centres d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) hier, sous le thème : «Entreprises de presse au Sénégal : difficultés et perspectives », il a soulevé beaucoup de problèmes. En plus de ne pas apprécier le traitement des journalistes dans les médias. Selon lui, l’une des premières menaces qui pèsent sur les entreprises de presse est le mauvais traitement du personnel des médias.
« Certaines entreprises de presse se donnent beaucoup de libertés pour ne pas respecter leurs obligations. Elles ne payent pratiquement pas les journalistes. Ces derniers n’ont aucun plan de carrière, ni une sécurité sociale, encore moins une cotisation de retraite. Il y a un grand organe dans ce pays qui, depuis des années, ne paye pas de salaires », a dénoncé le patron du Journal Stade devant les journalistes en herbe. Cette précarité, a-t-il ajouté, ouvre la voie à toutes les dérives qui menacent le métier de journaliste.
Interpellé sur la menace internet sur la presse écrite, il a soutenu, contrairement à beaucoup d’analystes, que c’est plutôt une chance. Pour lui, le journalisme existera toujours, même si c’est sur un autre support. Parmi les problèmes évoqués par M. Kane figure en grande partie le management des entreprises de presse. « Nous avons toujours eu de bons journalistes dans ce pays, mais pas de bons manageurs. Etre un bon journaliste ne veut pas dire être un bon manager », a-t-il rappelé. Le chef d’entreprise a aussi pointé du doigt l’Etat.
A son avis, ce dernier manque de politique pour soutenir la presse. A en croire M. Kane, en France par exemple, de la même manière que l’Etat subventionne la presse publique, il le fait aussi pour le privé. A ceux qui soutiennent que l’aide à la presse, dans notre pays, joue ce même rôle, il rétorque qu’il est contre cette somme donnée chaque année aux patrons des médias. « Moi, depuis des années, je milite pour la suppression de l’aide à la presse qui est distribuée de manière politique. Elle est gérée par le ministre de la Communication qui distribue, selon sa volonté », a-t-il regretté.
Son co-débatteur, le directeur général du quotidien national le Soleil, Cheikh Thiam, par ailleurs secrétaire du Cedps, a abondé dans le même sens. Comme M. Kane, il estime que la viabilité économique des entreprises de presse pose problème. Selon lui, il faut aujourd’hui réinventer le modèle économique. « Avec la montée en puissance de l’Internet qui est devenu un concurrent très sérieux, il faut s’adapter ou périr », a dit Cheikh Thiam aux futurs journalistes. Malgré les difficultés, les débatteurs ont estimé que notre presse a beaucoup de mérite. Comparé à beaucoup de pays en Afrique, notamment ceux francophones, le Sénégal occupe une place enviable.
Sur un autre volet, Mamadou Ibra Kane a affirmé qu’il y a des lobbies qui tentent d’infiltrer la presse. Mais malgré cette tentative, selon lui, elle reste républicaine et joue un rôle social très important. « La presse sénégalaise est le premier tirage en Afrique de l’ouest francophone. Donc, d’une manière globale, les médias doivent être appréciés positivement », a conclu le président du Cedps.
Abdourahim Barry
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