Plus de cent ans de vie. Il continue pourtant
de se lever le matin et d’aller au travail. C’est un exemple de courage et de
réussite pour la jeune génération qui peine à trouver un emploi.
«Le premier Toubab qui est venu s’installer à Khombole
s’appelle Guimard». Ces propos témoignent de son ancienneté. Quand on lui demande de raconter l’histoire de
sa ville, Modou Mbaye Dior est très à l’aise pour le faire car c’est un témoin au
moins des cent dernières années. Malgré ses 107 ans, il dit à qui veut
l’entendre « nakha gouma » (je n’ai pas perdu mes facultés mentales).
Il reconstitue les histoires avec précision en convoquant souvent les dates des événements.
En bon mouride, le travail est plus qu’un
sacerdoce pour lui. Ce vieux à la longévité exceptionnelle, dans une société
sénégalaise où l’espérance de vie est estimée à 50 ans, n’a jamais pensé à la
retraite. Pour le rencontrer pendant la journée, il faut venir le trouver sur
son lieu de travail. Il a exercé presque tous les métiers possibles, à
Khombole. « Quand je suis arrivé ici
en 1925, j’étais cultivateur. Ensuite je vendais de l’or et des tissus. J’ai
été aussi boucher. Je vends du bois de
chauffe depuis 1970. J’ai commencé avec
cinq cent francs CFA», narre-t-il apparemment satisfait.
Néanmoins, le natif de Thilla Ounté, village
situé à 5 km de khombole perd de plus en plus son combat contre l’âge. Il est
difficile aujourd’hui de saisir tout le sens de ses paroles car, parfois, on a
du mal à comprendre ce qu’il dit. Son interlocuteur est obligé de crier pour se
faire entendre puisque ses oreilles aussi sont en train de le lâcher. Ne lui
souhaitez surtout pas longue vie. Il rétorque immédiatement, « moi j’ai déjà une longue vie car je
suis né en 1908 et je suis là en train de vous parler».
Polygame, Modou Mbaye Dior avait
quatre épouses. Les deux sont décédées, il ne lui reste que la première et la
quatrième. «Je suis la seule en vie
avec la première. Cette dernière est
très veille. Elle est à la maison», explique Mame Astou Mbaye la quatrième qui
tient, elle aussi une table et vend divers objets à côté de son époux. Elle ne
peut pas dire avec exactitude le nombre de leurs enfants. « Tout ce que je sais, c’est que nous en sommes à notre
soixante-troisième année de mariage. Nous avons eu dix-sept enfants. Quatre
sont décédés, il reste treize».
A la différence, de beaucoup de
vieillards moins âgés que lui, Modou Mbaye Dior, ne s’appuie pas sur une canne
pour marcher. Quand il parle, il ne regarde jamais son interlocuteur dans les
yeux. Cela est peut être lié à son âge. Ses petits yeux se sont beaucoup
rétrécis. Il les fixe sur une seule direction et on a du mal à voir à
l’intérieur. Pourtant il voit normalement et identifie les personnes qu’il connait
sans difficulté. Sur son lieu de travail situé
au bord de la route qui mène à Touba, il est assis sur une natte sous un
arbre. Son chapelet à la main il passe toute la journée à demander pardon à son
Seigneur.
En formulant des prières, les paroles
du disciple mouride sont presque dominées par les « thi barke Serigne Touba ».
Quoi de plus normal pour un fervent « talibé » (disciple) qui a vécu
à l’époque du fondateur du mouridisme et a assisté à une de ses visites à
Khombole. Pendant une discussion, ne lui coupez pas la parole pour poser une
question ou demander un éclaircissement. Il menace alors de mettre fin à l’entretien.
Entouré de quelques-uns de ses petits-fils, il s’entend mieux avec eux. Des
regrets dans sa riche et belle carrière? Il n’en a pas, même s’il reconnait qu’«on ne peut pas vivre jusqu’à un certain âge
sans jamais faire des choses regrettables ».
Abdourahim BARRY
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