lundi 3 août 2015

MODOU MBAYE DIOR: La force tranquille d’un patriarche

Plus de cent ans de vie. Il continue pourtant de se lever le matin et d’aller au travail. C’est un exemple de courage et de réussite pour la jeune génération qui peine à trouver un emploi.
   
«Le premier Toubab qui est venu s’installer  à Khombole  s’appelle Guimard». Ces propos témoignent de son ancienneté.  Quand on lui demande de raconter l’histoire de sa ville, Modou Mbaye Dior est très à l’aise pour le faire car c’est un témoin au moins des cent dernières années. Malgré ses 107 ans, il dit à qui veut l’entendre « nakha gouma » (je n’ai pas perdu mes facultés mentales). Il reconstitue les histoires avec précision en convoquant souvent les dates des événements.
En bon mouride, le travail est plus qu’un sacerdoce pour lui. Ce vieux à la longévité exceptionnelle, dans une société sénégalaise où l’espérance de vie est estimée à 50 ans, n’a jamais pensé à la retraite. Pour le rencontrer pendant la journée, il faut venir le trouver sur son lieu de travail. Il a exercé presque tous les métiers possibles, à Khombole. « Quand je suis arrivé ici en 1925, j’étais cultivateur. Ensuite je vendais de l’or et des tissus. J’ai été aussi boucher.  Je vends du bois de chauffe depuis 1970. J’ai  commencé avec cinq cent francs CFA», narre-t-il apparemment satisfait.
 Néanmoins, le natif de Thilla Ounté, village situé à 5 km de khombole perd de plus en plus son combat contre l’âge. Il est difficile aujourd’hui de saisir tout le sens de ses paroles car, parfois, on a du mal à comprendre ce qu’il dit. Son interlocuteur est obligé de crier pour se faire entendre puisque ses oreilles aussi sont en train de le lâcher. Ne lui souhaitez surtout pas longue vie. Il rétorque immédiatement, « moi j’ai déjà une longue vie car je suis né en 1908 et je suis là en train de vous parler».
Polygame, Modou Mbaye Dior avait quatre épouses. Les deux sont décédées, il ne lui reste que la première et la quatrième. «Je suis la seule en vie avec  la première. Cette dernière est très veille. Elle est à la maison», explique Mame Astou Mbaye la quatrième qui tient, elle aussi une table et vend divers objets à côté de son époux. Elle ne peut pas dire avec exactitude le nombre de leurs enfants. « Tout ce que je sais, c’est que nous en sommes à notre soixante-troisième année de mariage. Nous avons eu dix-sept enfants. Quatre sont décédés, il reste treize».
A la différence, de beaucoup de vieillards moins âgés que lui, Modou Mbaye Dior, ne s’appuie pas sur une canne pour marcher. Quand il parle, il ne regarde jamais son interlocuteur dans les yeux. Cela est peut être lié à son âge. Ses petits yeux se sont beaucoup rétrécis. Il les fixe sur une seule direction et on a du mal à voir à l’intérieur. Pourtant il voit normalement et identifie les personnes qu’il connait sans difficulté. Sur son lieu de travail situé  au bord de la route qui mène à Touba, il est assis sur une natte sous un arbre. Son chapelet à la main il passe toute la journée à demander pardon à son Seigneur.
En formulant des prières, les paroles du disciple mouride sont presque dominées par les « thi barke Serigne Touba ». Quoi de plus normal pour un fervent « talibé » (disciple) qui a vécu à l’époque du fondateur du mouridisme et a assisté à une de ses visites à Khombole. Pendant une discussion, ne lui coupez pas la parole pour poser une question ou demander un éclaircissement. Il menace alors de mettre fin à l’entretien. Entouré de quelques-uns de ses petits-fils, il s’entend mieux avec eux. Des regrets dans sa riche et belle carrière? Il n’en a pas, même s’il reconnait qu’«on ne peut pas vivre jusqu’à un certain âge sans jamais faire des choses regrettables ».
                                                                             Abdourahim BARRY       
         


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