Le premier chef de l’exécutif
sénégalais reste populaire dans sa ville natale. Les khombolois lui témoignent
une reconnaissance sans faille. Ils regrettent son court passage au pouvoir et réfutent
les accusations de coup d’Etat contre lui en, 1962.
« Si Mamadou Dia n’avait pas été arrêté, Khombole serait
aujourd’hui l’une des villes les plus
émergentes du Sénégal ». Ces propos de M. Dieng, délégué de quartier, montrent bien
l’affection que les khombolois gardent toujours à l’égard de l’ancien président
du Conseil et chef de l’exécutif de 1960 à 1962. Personnalité politique de premier plan à l’indépendance,
les habitants de khombole, surtout les vieux qui l’ont connu, regrettent son
court passage à la tête du gouvernement. Malgré son mandat abrégé par les événements
douloureux du 22 décembre 1962, toutes les infrastructures notamment routières datent
de l’époque où il était au pouvoir. «Toutes
les routes qui existent dans la commune ont été construites par lui. Elles
remontent à 1963. Il nous a tout donné », ajoute M. Dieng.
A quelques centaines de mètres du
marché se trouve la maison familiale du défunt président du Conseil. Rien ne
montre que l’homme politique vivait ici. Elle ressemble à un lieu abandonné.
Elle est constituée de deux bâtiments, l’un habité par des locataires et
l’autre fermé. Elle garde son architecture initiale. Au milieu de la cour se
trouve un manguier. Les occupants ne connaissent même pas qui était l’homme.
Derrière la cour, se dresse une
maison ultra moderne. Elle est issue de la division de la grande maison
familiale des Dia. Nièce et belle-fille de Mamadou Dia, Maty Souaré y vit avec
sa famille. Elle est l’épouse du feu Ousmane Dia neveu de l’ancien ami et compagnon
de Senghor. Dans son salon comprenant des équipements modernes, le voile sur la
tête et un chapelet à la main, elle est en train de formuler ses prières en
cette soirée du lundi premier mai 2015. Elle ne se rappelle pas les événements
de 1962, car « j’étais très jeune »,
affirme-t-elle. Mais soutient-elle, « connaissant
l’homme, il était incapable de faire du mal à quelqu’un. Il était véridique. Je
pense que c’étaient des accusations sans fondement. Il n’a jamais fait un coup
d’Etat», conclut, Maty.
Les khombolois ont du mal à croire que
Mamadou Dia avait des intentions de renverser Senghor. Selon Macoumba Fall,
enseignant et conseiller municipal, la crise de 1962 avait des soubassements
politiques car il y avait une dualité au sommet de l’Etat.
Six ans après sa disparition, Mamadou
Dia est perçu comme une personne gentille
et généreuse par ceux qui l’ont connu, au moins ici à Khombole. « Il est issu d’une bonne famille.
Quand mon père est venu ici, il habitait
chez lui», raconte le vieux Moustapha Bâ, un voisin. « A l’époque nous étions en paix. Mais Khombole a beaucoup
souffert des rivalités de Dia et Senghor», poursuit-il. Âgé de 89 ans, Bâ est un témoin de cette période. Avec sa voix à
peine audible, il n’en veut pas à Senghor car selon lui, c’est Satan et la
politique qui ont détruit cette amitié sincère qui existait entre les deux
hommes d’Etat. «Senghor venait rendre
visite à la famille sans Mamadou Dia», soutient Maty Souaré.
Si Khombole est dans cette situation
de pauvreté c’est parce qu’elle « a
été victime du dualisme entre Mamadou et Léopold», ajoute M. Dieng. Les
routes datent de 1963. Depuis lors, il n’y a eu aucune nouvelle infrastructure
et celles qui sont là n’ont jamais été réfectionnées. Malgré la courte durée de
son pouvoir, les Khombolois estiment qu’il a réalisé plus que tous les gouvernements
qui lui ont succédé.
Abdourahim BARRY