Une
expérience qui a fait ses preuves
« L’hôpital
traditionnel de Keur Massar se veut aujourd’hui comme tous les
Fabrication de médicaments |
hôpitaux du
monde ». Fondé au début pour traiter des lépreux et faire la
recherche sur la médecine tropicale, il allie aujourd’hui tradition et
modernité.
Reportage
Symbole de la
modernisation de la médecine traditionnelle, il est unique au Sénégal. Sur les
lieux on a l’impression d’être dans une forêt équatoriale. Un jardin botanique
de 10 hectares c’est tout ce qui reste du centre social fondé en 1980 par le
Professeur Yvette Paresse. « Nous
avions 80 hectares de culture, mais l’Etat a tout repris ». Cet
endroit très boisé se trouve au milieu d’une ville ce qui fait qu’il attire
forcement l’attention des passants. La pression foncière est très forte car les
promoteurs immobiliers ne cessent de faire le lobbying pour récupérer les
terres.
Au milieu des arbres se trouvent une dizaine
de cases. Ces derniers ressemblent à celles qu’on voit dans les hôtels à cause
de leur architecture. A l’entrée du jardin il est inscrit sur le mur du
mémorial dédié à la fondatrice de la structure « professeur, enseignante,
chercheur et guérisseuse», ce qui semble être un paradoxe. Comment une
scientifique européenne peut être définie comme guérisseuse vue la conception
que la science et les intellectuels en général ont de cette pratique ?
En cette après-midi du jeudi 17 mars,
l’ambiance est un peu calme. Les patients ne sont pas au rendez-vous car ils
viennent se faire consulter essentiellement le matin. Contrairement au climat
général, dans le laboratoire trois personnes s’activent autour d’un sac de
feuilles sèches. Ils séparent les bonnes feuilles des mauvaises. L’endroit
ressemble à une cuisine de par ses instruments éparpillés partout. Un mortier
et ses pilons par ci, un tamis, une bouteille de gaz butane, une gazinière
moderne et des marmites par là.
En blouse
blanche comme un véritable scientifique dans son laboratoire, Yéro Diallo est
en pleine activité de transformation des feuilles de tamarin en poudre. De
taille moyenne et de teint clair, il a des yeux fixés toujours sur son travail.
En opposition à plusieurs guérisseurs en Afrique, Yéro n’a pas hérité de ce métier
de ses parents, « nous avons été
formés par le professeur Yvette Paresse qui était une biologiste française et
enseignante à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar », affirme-t-il,
avec une voix à peine audible.
Ici la médecine n’est traditionnelle que par
le nom, sinon tout est bien organisé et contrôlé à partir d’un ordinateur qui
centre toutes les données. Dans le magasin de stockage, des centaines voire des
milliers de bouteilles sont superposées sur des étagères. Chacune de ces dernières
contient soit de la poudre de feuilles ou de racines, ou bien de la pommade ou
du liquide. En visitant l’endroit, ce qui frappe en premier c’est le nombre de
bouteilles et autres récipients qui se trouvent dans cette pièce et surtout la
maitrise de leur sujet par les maîtres des lieux.
Habillé en jean et tee-shirt, Moussa Diallo
est un petit fils de Dadi Diallo, le plus grand médecin traditionaliste que
l’hôpital ait connu. Après des études jusqu’en classe de 3ème sans
obtenir le brevet de fin d’étude moyen (BEFEM), le jeune Moussa décide alors
d’abandonner l’école au profit du métier de son grand père. Il parle avec aisance
et connaît tous les noms des milliers de plantes médicinales (leurs noms
scientifiques en français, leurs noms en Pulaar, et en Wolof) grâce à la
formation qu’il a reçue auprès des anciens et lors des séminaires ou stages.
Dans la pharmacie, une grande partie du mur
est couverte par des affiches qui listent les différentes maladies traitées. « Nous traitons plusieurs maladies,
même le VIH, nous avons eu des cas de séropositifs qui sont devenus
séronégatifs après le traitement », explique notre guide du jour.
Aujourd’hui l’hôpital traditionnel de Keur
Massar a une dimension internationale. Il reçoit des patients venus d’Europe,
d’Afrique et du monde entier. Connu pour la qualité de ses soins, il attire des
chercheurs en médecine de tous les coins de la planète. Dans son vaste bureau, une cigarette à la main,
Djibril Bâ a un visage osseux et des yeux creux.
Pour confirmer l’ampleur transnationale de sa
structure, M. Bâ explique qu’ils exportent des médicaments à l’étranger et
qu’ils disposent d’une pharmacie à Genève en Suisse qui approvisionne les pays
européens. L’hôpital prend en charge les maladies les plus graves comme les
cancers et le sida. «Nous traitons le Sida comme tout le monde,
mais le guérir, je pense que c’est une utopie. Ce que nous faisons ici c’est un
traitement immunostimulant qui permet aux patients de stopper définitivement
l’évolution de la maladie. Dieu merci jusque-là on a eu d’excellents résultats
à tel point que le Professeur Luc Montagnier biologiste et prix Nobel français
de médecine est venu nous rendre visite pour s’imprégner de notre expérience», affirme
le Directeur de l’hopital.
Malgré son succès et son expérience
incontestables, l’établissement sanitaire rencontre beaucoup de difficultés
depuis le désengagement des allemands qui le finançaient et la mort de sa
fondatrice. Cela justifie l’externalisation des soins car au début tous les
patients étaient internés avec leurs familles. Selon Cheikh Gueye directeur de
l’école du centre, 150 à 200 personnes vivaient ici et elles étaient prises en
charge entièrement. Mais aujourd’hui tous ces gens sont rentrés chez eux au village,
d’autres sont restés à Dakar. Pour ceux qui sont là, certains vivent dans des
difficultés énormes car ils étaient habitués à la vie facile mais aujourd’hui
tout a changé.
Abdourahim Barry
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