jeudi 7 mai 2015

L’HOPITAL TRADITIONNEL DE KEUR MASSAR


Une expérience qui a fait ses preuves

 
 
« L’hôpital traditionnel de Keur Massar se veut aujourd’hui comme tous les
Fabrication de médicaments
hôpitaux du monde ».  Fondé au début  pour traiter des lépreux et faire la recherche sur la médecine tropicale, il allie aujourd’hui tradition et modernité.
 

 
Reportage 
    Symbole de la modernisation de la médecine traditionnelle, il est unique au Sénégal. Sur les lieux on a l’impression d’être dans une forêt équatoriale. Un jardin botanique de 10 hectares c’est tout ce qui reste du centre social fondé en 1980 par le Professeur Yvette Paresse. « Nous avions 80 hectares de culture, mais l’Etat a tout repris ». Cet endroit très boisé se trouve au milieu d’une ville ce qui fait qu’il attire forcement l’attention des passants. La pression foncière est très forte car les promoteurs immobiliers ne cessent de faire le lobbying pour récupérer les terres.

   Au milieu des arbres se trouvent une dizaine de cases. Ces derniers ressemblent à celles qu’on voit dans les hôtels à cause de leur architecture. A l’entrée du jardin il est inscrit sur le mur du mémorial dédié à la fondatrice de la structure « professeur, enseignante, chercheur et guérisseuse», ce qui semble être un paradoxe. Comment une scientifique européenne peut être définie comme guérisseuse vue la conception que la science et les intellectuels en général ont de cette pratique ?

   En cette après-midi du jeudi 17 mars, l’ambiance est un peu calme. Les patients ne sont pas au rendez-vous car ils viennent se faire consulter essentiellement le matin. Contrairement au climat général, dans le laboratoire trois personnes s’activent autour d’un sac de feuilles sèches. Ils séparent les bonnes feuilles des mauvaises. L’endroit ressemble à une cuisine de par ses instruments éparpillés partout. Un mortier et ses pilons par ci, un tamis, une bouteille de gaz butane, une gazinière moderne et des marmites par là.

    En blouse blanche comme un véritable scientifique dans son laboratoire, Yéro Diallo est en pleine activité de transformation des feuilles de tamarin en poudre. De taille moyenne et de teint clair, il a des yeux fixés toujours sur son travail. En opposition à plusieurs guérisseurs en Afrique, Yéro n’a pas hérité de ce métier de ses parents, « nous avons été formés par le professeur Yvette Paresse qui était une biologiste française et enseignante à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar », affirme-t-il, avec une voix à peine audible.

   Ici la médecine n’est traditionnelle que par le nom, sinon tout est bien organisé et contrôlé à partir d’un ordinateur qui centre toutes les données. Dans le magasin de stockage, des centaines voire des milliers de bouteilles sont superposées sur des étagères. Chacune de ces dernières contient soit de la poudre de feuilles ou de racines, ou bien de la pommade ou du liquide. En visitant l’endroit, ce qui frappe en premier c’est le nombre de bouteilles et autres récipients qui se trouvent dans cette pièce et surtout la maitrise de leur sujet par les maîtres des lieux.

   Habillé en jean et tee-shirt, Moussa Diallo est un petit fils de Dadi Diallo, le plus grand médecin traditionaliste que l’hôpital ait connu. Après des études jusqu’en classe de 3ème sans obtenir le brevet de fin d’étude moyen (BEFEM), le jeune Moussa décide alors d’abandonner l’école au profit du métier de son grand père. Il parle avec aisance et connaît tous les noms des milliers de plantes médicinales (leurs noms scientifiques en français, leurs noms en Pulaar, et en Wolof) grâce à la formation qu’il a reçue auprès des anciens et lors des séminaires ou stages.

   Dans la pharmacie, une grande partie du mur est couverte par des affiches qui listent les différentes maladies traitées. « Nous traitons plusieurs maladies, même le VIH, nous avons eu des cas de séropositifs qui sont devenus séronégatifs après le traitement », explique notre guide du jour.

   Aujourd’hui l’hôpital traditionnel de Keur Massar a une dimension internationale. Il reçoit des patients venus d’Europe, d’Afrique et du monde entier. Connu pour la qualité de ses soins, il attire des chercheurs en médecine de tous les coins de la planète. Dans  son vaste bureau, une cigarette à la main, Djibril Bâ a un visage osseux et des yeux creux.

   Pour confirmer l’ampleur transnationale de sa structure, M. Bâ explique qu’ils exportent des médicaments à l’étranger et qu’ils disposent d’une pharmacie à Genève en Suisse qui approvisionne les pays européens. L’hôpital prend en charge les maladies les plus graves comme les cancers et le sida. «Nous traitons le Sida comme tout le monde, mais le guérir, je pense que c’est une utopie. Ce que nous faisons ici c’est un traitement immunostimulant qui permet aux patients de stopper définitivement l’évolution de la maladie. Dieu merci jusque-là on a eu d’excellents résultats à tel point que le Professeur Luc Montagnier biologiste et prix Nobel français de médecine est venu nous rendre visite pour s’imprégner de notre expérience», affirme le Directeur de l’hopital.

   Malgré son succès et son expérience incontestables, l’établissement sanitaire rencontre beaucoup de difficultés depuis le désengagement des allemands qui le finançaient et la mort de sa fondatrice. Cela justifie l’externalisation des soins car au début tous les patients étaient internés avec leurs familles. Selon Cheikh Gueye directeur de l’école du centre, 150 à 200 personnes vivaient ici et elles étaient prises en charge entièrement. Mais aujourd’hui tous ces  gens sont rentrés chez eux au village, d’autres sont restés à Dakar. Pour ceux qui sont là, certains vivent dans des difficultés énormes car ils étaient habitués à la vie facile mais aujourd’hui tout a changé.

                                                                                                      Abdourahim Barry

                                                  

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